Les Dimanches de l'ACID : Terra Franca
Dimanche 6 Janvier à 11h
Les Dimanches de l'ACID (Association pour le Cinéma Indépendant et sa Diffusion), vous proposent le magnifique documentaire de Leonor Teles, TERRA FRANCA, Dimanche 6 Janvier à 11h.
Séance suivie d'une rencontre avec Aleksandra Chevreux, distributrice du film et Marie-Pierre Bretas, cinéaste membre de l'ACID.
Sur les berges du Tage au Portugal, un homme vit entre la tranquillité du fleuve et les relations qui le rattachent à la terre. Filmé aux quatre saisons, TERRA FRANCA fait le portrait de la vie du pêcheur portugais Albertino, entouré de sa femme Dalia et de ses filles, dont l’aînée s’apprête à se marier. La fin d’un cycle de vie, à hauteur de barque et de regard.
L'homme seul, debout dans son bateau, scrute l'horizon. Autour de lui, une eau un peu stagnante, un rivage semi-urbain, quelques traces d'une histoire disloquée. Une tranquillité inquiétante. Il est tendu vers quelque chose qu'il n'identifie pas, comme on attend un orage. Le hors-champ du film porte la menace d'un monde qui change, insécurisant, qui n'est jamais décrit mais qui pèse. La temporalité des scènes porte en son sein cette tension, sous-tend la fracture. La maison bâtie un peu à l'écart, derrière une voie ferrée et route poussiéreuse, est encore le refuge intime où les repères s'imposent. L'homme appartient à une classe ouvrière en voie de relégation et qui a simplement l'ambition de gagner sa vie, de construire son avenir et celui des siens. Nécessité de survivre, de garder une place qui fait sens à l'extérieur et au sein de sa famille. On traverse ici la banalité et le sublime du quotidien. Le mariage à venir de sa fille devient réceptacle du désarroi, du déséquilibre et l'enjeu du réinvestissement dans l'intime des territoires perdus. La place du non-dit est forte. On sent sourdre les enjeux d'une existence, les peurs, les préoccupations, les regrets, toute la singularité d'une certaine vie à un certain endroit et cette puissance se faufile dans les silences. Les personnages évoluent dans le cadre comme inconscients des forces qui s'exercent et contre lesquelles ils résistent. Poésie des espaces intimes dans la simplicité et la contemplation d'éléments du quotidien qui charrient le drame ou la joie.
Enfin, le film nous parle de dignité. Celle que l'on perd. Celle qui s'effrite dans le regard sur soi-même, ébranlée par les éléments extérieurs et qui se reconquiert ici, à l'intérieur de la famille, à la faveur d'un évènement culturellement codé où les places sont encore distribuées. C'est l'histoire d'un homme qui fait comme il peut, qui se raccroche aux branches et défend sa dignité avec la fragilité touchante de celui qui sait que tout cela est désormais bien incertain.
Hélène Milano - Cinéaste membre de l'ACID